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Nous sommes de ceux qu'on ne remarque pas Et pourtant…


Quand on est autant accro que moi à France Cul, on écoute jusqu'à la lie la boucle musicale que la station diffuse depuis un mois et demi, vu que son budget en prend grave plein la tronche.

Encore une trouvaille issue de cette boucle, qui n'est pas toujours d'or :


Fauve : De ceux

Si nombre de producteurs et de techniciens de France Culture sont en grève depuis des semaines et des semaines, ce n'est pas par caprice aristocratique pour maintenir des prérogatives, un statut, un niveau de salaires, un cheptel minimal ou que sais-je encore.

Non.
Foutrebleu, bien sûr que non !

C'est essentiellement pour s'opposer à la faillite culturelle de la chaîne, à la logique managériale qu'elle a commencé à développer voici vingt ans au détriment du coûteux terreau culturel dont elle nous gratifiait – bienheureux que nous étions ! – depuis 1963.

On n'a pas à payer les invités, qui se prêtent volontiers à un entretien en studio pour leur propre publicité : ça coûte que dalle par rapport à un reportage.
D'où par exemple le remplacement en septembre 2019 de La fabrique de l'histoire d'Emanuel Laurentin par Le cours de l'histoire de Xavier Mauduit.

C'est franchement dégueulasse, que cette chaîne porteuse de tant de richesses et de talents (de virtuosité, de génies genre Yann Paranthoën !) ait aujourd'hui quasi éradiqué sa raison d'être – la création radiophonique – pour lui substituer des émissions sur l'actualité culturelle ou pire encore, sur l'actualité tout court, qui auraient bien plus leur place sur France Inter ou BFM.
Culture monde, Christine Ockrent, Du grain à moudre, L'esprit public, Grand reportage, Le temps du débat, etc., toutes ces émissions qui soit-disant expliquent aux auditeurs ce qui se passe dans le monde, qu'est-ce que j'en ai à carrer, bordel de gigolo ???
Pour les efforts poussifs d'analyse de la conjoncture, merci, y'a le choix : France Intox et quantité d'autres fréquences FM pareillement débilitantes.

Certes, des personnes aussi talentueuses que Marie Richeux, Sonia Kronlund ou Olivia Gesbert nous fulgurent encore de pétillements d'intelligence, mais force est de constater que la chandelle faseye.

Exit, L'Atelier de Création Radiophonique (deux heures tous les dimanches soirs, à l'initiative d'Alain Trutat en 1972), exitles merveilles d'une heure trente chaque soir en semaine concoctées par Alain Veinstein depuis 1978 (Les Nuits Magnétiques, devenues Surpris par la nuit quand le numérique a détrôné les Nagra), exit, Les passagers de la nuit qui en ont fabuleusement pris le relais en 2009, exit, Le bon plaisir de… (une après-midi d'intimité avec un artiste et son cercle d'amis, trois heures tranquilles le samedi ensuite réduites à deux), exit, Les histoires du Pince-Oreilles, exit, Les Décraqués, exit, Les Papous dans la tête, exit, Terre à terre, exit, exit, etc.

Cela dit, bien entendu, la station nous martèle aujourd'hui à tire-larigo qu'elle foisonne de création radiophonique, en y emmêlant toute forme de documentaire : Les pieds sur terre, L'expérience, Une vie une œuvre, LSD (diffusée à deux reprises dans la journée, tellement ils grattent sur le budget sans imaginer que quelques auditeurs fidèles écoutent la station non-stop et qu'on aimerait entendre autre chose à 23 h que ce qu'on a déjà entendu six heures plus tôt !).

Ah ouais, ça foisonne ?
Dix fois moins que voici vingt ans, mais ça plastronne à mesure inverse.

Moins il y a de matière (à réflexion), plus on nous en fait la réclame.

Comme la drastique réduction du langage que les thuriféraires de l'AngSoc présentaient comme munificence dans la fiction d'Orwell.
« En voici bien moins, mais puisque nous vous martelons que c'est bien plus, vous nous croirez sans peine (d'ailleurs, vous n'avez pas le choix !) »

Comme si l'obsolescence programmée de notre pauvre planète justifiait qu'on balançât le bébé avec l'eau du bain.

Peu importe : nous  sommes de ceux qu'on ne remarque pas.

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